Il nous semble fondamental d’apprendre à représenter globalement les formes de l’espace. C’est difficile certes, mais ce sont précisément ces difficultés que l’on doit vaincre pour comprendre l’espace. « Voir dans l’espace », c’est construire conceptuellement les objets de l’espace, c’est être capable de s’en faire des images mentales, et c’est exactement ce que l’on travaille en essayant de dessiner les solides.
Les cubes élémentaires en bois brut sont du matériel pédagogique que l’on trouve dans les catalogues spécialisés. On peut également se les fabriquer à moindre coût. Il suffit d’acheter chez un menuisier ou dans un supermarché de bricolage des tasseaux à base carrée de 2,5 m de longueur, et de les débiter en cube avec une scie. Il faut savoir que pour un menuisier professionnel débiter des chutes en cubes est un jeu d’enfant. Alors c’est bien le diable si on ne trouve pas un parent d’élève pour nous faire ce travail …
On a besoin ensuite des gommettes pour les différentes reproductions. Pour cela, il faut dessiner des matrices avec des pavages de ces gommettes, puis les photocopier sur du papier de la couleur appropriée, et les découper.
1) Production et reconnaissance de tétra-cubes
On commence au CE1 par apprendre à assembler des cubes élémentaires pour produire de « poly-cubes ». On s’arrête sur les tétra-cubes par qu’ils sont pratiques à produire et à identifier, directement ou avec des photos prises sous différents points de vue. Après avoir produit les huit tétra-cubes différents, on apprend à les nommer. Des noms possibles sont : la tour, le L, le carré, le domino, la podium, le nounours (ou le coin ou l’angle droit), et les deux mains pour les deux derniers qui sont symétriques, et très difficiles à différencier. Ensuite on va faire des activités de reconnaissance des tétra-cubes à partir de photos. On travaille alors sur les rapports du su et du vu, car il faut imaginer la partie cachée du tétr-acube. Certaines photos prises de bout peuvent représenter plusieurs tétra-cubes différents, et sont donc indécidables.
2) Première représentation plane
On travaille sur de multiples photos du cube élémentaire. Il faut proposer des photos où on ne voit qu’une ou deux faces, et aussi des photos avec les deux points de vue qui nous intéressent : trois losanges égaux pour l’une, et un carré et deux parallélogrammes pour l’autre. Il faut mettre les élèves devant le paradoxe de la représentation, il faut apprendre à tromper l’œil. Pour voir des faces carrées, il faut dessiner autre chose, des losanges ou des parallélogrammes. Le travail de décomposition sur les photos permet d’identifier des quadrilatères connus. Pour cela, on peut décalquer avec du papier normal que l’on pose sur les photos, et prendre le croquis des formes. On arrive à identifier deux astuces permettant de donner l’illusion de l’espace : l’utilisation judicieuse de quadrilatères, et enfin la convention d’un code couleur qui est une conséquence des conditions habituelles d’éclairage par le haut. La face du haut est la plus claire, la face de droite est la plus foncée et la face frontale est intermédiaire. Une des possibilités est de choisir les couleurs jaune pour la face du haut, bleu pour la face de droite et vert pour la face frontale.
Les deux représentations du cube élémentaire
3) Représentation des tétra-cubes par gommettes entières
On a là une activité où on construit dans le plan des représentations d’objets de l’espace en reprenant pas à pas chacune des étapes de la construction de ces objets dans l’espace. La mémoire de la construction de l’objet de l’espace guide donc la production de la représentation. Il s’agit là du passage classique de la manipulation réelle à la manipulation pensée, étape vers la construction du concept expert –ici la représentation en perspective.
On utilise les gommettes entières identifiées dans l’activité précédente. Il convient de formuler la méthode : coller la gommette sur le quadrilatère représentant la face en contact du cube correspondant. Dans le cas du tétracube coin, le cube de départ disparaît même complètement, et les élèves sont très content de le montrer par transparence : c’est un témoin de l’histoire de la construction !
Les représentations des tétra-cubes podium et coin
4) Représentation des tétra-cubes avec les gommettes quadrilatères
On va passer à une description plus fine en faisant commander aux élèves les gommettes élémentaires. La commande écrite se fait en analysant la représentation par gommettes entières. Cette activité est auto-validante : si la commande est erronée, on la modifie par écrit. Cette activité permet de décrire la représentation comme une figure plane, à l’aide de quadrilatères connus. Ici grâce au code couleur, l’illusion du volume est bien meilleure, et le résultat est bien plus saisissant qu’avec les gommettes entières. Quand on sait représenter les tétra-cubes, on élargit le travail à un nouvel assemblage constitué d’un plus grand nombre de cubes.
Les trois gommettes de couleur
5) Représentation par coloriage sur papier quadrillé ou papier pointé
On va apprendre à représenter les tétra-cubes sans les gommettes. On fournit des quadrillages des deux sortes, orthonormé et à 60°. On commence par apprendre à représenter les cubes élémentaires par traçage et coloriage, puis on se lance dans la représentation d’un tétra-cube. Pour les élèves, il semble qu’il soit plus facile de travailler sur le quadrillage à 60° que sur le quadrillage orthonormé. Quand on sait représenter les tétra-cubes, on valide l’apprentissage par la représentation d’un nouvel assemblage fait par le maître et posé à la vue de la classe. On peut travailler également sur du papier pointé.
6) Représentation par traçage sur papier blanc
On va maintenant dessiner les tétr-acubes sur papier blanc. En posant la feuille sur le quadrillage, on le voit par transparence : on va s’en servir pour tracer le tétra-cube. En passant au traçage, la représentation perd beaucoup de son réalisme, en perdant le code couleur. Ici on se contente d’apprendre à tracer les tétra-cubes, le fait que les élèves les connaissent très bien permet de les « voir » quand même. On conclue en remarquant qu’il nous manque une convention pour représenter « ce qu’il y a derrière ».
7) Convention de la représentation des arêtes cachées et structuration de la représentation en perspective
C’est la dernière étape. C’est la convention des arêtes cachées en pointillé qui réussit à recréer l’illusion du volume. On va essayer d’utiliser la représentation en pailles pour décider de la convention des arêtes cachées. En projetant convenablement le solide en pailles avec le rétroprojecteur, et en traçant l’ombre sur le tableau, on va pouvoir essayer des conventions jusqu’à ce que l’œil soit satisfait. On peut aussi faire un trou dans la face de devant et demander de dessiner ce qui apparaît alors. Il s’agit aussi de s’apercevoir que c’est la représentation orthogonale qui permet le mieux de tracer les arêtes cachées. Un autre de ses avantages est que la face frontale est « grandeur nature ».